La French Touch, c’est quoi ? Quels en sont les débuts, ses inspirations et son évolution ?
A noter que vous pouvez retrouver cet article en audio dans l’épisode n°84 du podcast Laplayade.
1988, je viens de pousser mon premier cri. Je bave car j’ai faim quand d’autres baves devant les premiers jeux de la Mega Drive ! Pour un grand nombre, les années 80’s -90’s signent l’âge d’or des premiers jeux sur consoles. Et la France a son mot à dire.

Petit retour en arrière indispensable en 1983. En compagnie d’Emmanuel Viau, Philippe Ulrich fonde la première société d’édition de jeux vidéo en France : ERE Informatique.
Parti de rien, monté à Paris, avec une guitare à la main et un CAP de cuisinier, ce jeune homme plein d’idées n’a pas froid aux yeux. Et alors que je suis un grain de riz, certains ont la chance de découvrir, l‘Arche du Captain Blood.







Élaboré en 1987, avec Didier Bouchon et Michel Rho, le jeu se caractérise par son système de dialogues permettant la création de phrases à partir d’icônes, pour communiquer avec des extraterrestres. Le jeu connaît un immense succès à sa sortie et reçoit l’award du meilleur jeu de l’année et le Tilt d’Or.
L’arche du captain blood :
En 1988, Paul de Senneville fonde Delphine Software. Paul Cuisset est le premier à se lancer. Il va poser les jalons de la French Touch avec Bio Challenge sur Atari ST en 1989.


Le jeu est techniquement au top, la bande son ravit les oreilles et l’ambiance SF enchante les pupilles. Malgré une difficulté pointue, le monde est convaincu. C’est un succès !
Evolution de Delphine Software :
La même année, Paul de Senneville enchaîne avec une autre production et déniche un nouveau talent, Eric Chahi. Cette jeune recrue va travailler avec Paul Cuisset afin de créer un futur hit : “Les voyageurs du temps, la Menace”. Toujours difficile, ce jeu d’aventure, proche d’une expérience cinématique avec des graphismes de qualité, est encore une réussite.




En 1991, Éric Chahi se met à travailler, quasiment seul, sur Another World. Il est accompagné de Jean François Freitas à la musique et de Pierre Gousseau pour le manuel du jeu. Le défi est avant tout technique mais aussi esthétique. Il ajoute un aspect cinématographique pour les scènes d’animation et utilise en partie la rotoscopie comme procédé. Le design est simple et fonctionne par la suggestion.
Pour créer un tel univers de Science Fiction, Eric Chahi s’inspire d’artistes comme le peintre Michael Whelan. Je vous laisse chercher son nom sur Google et faire le lien avec la jaquette peinte par Éric Chahi. Les autres inspirations sont les images colorées et vibrantes de Frank Frazetta et les couleurs acidulées de Richard Corben.







Another World pose les bases de ce que l’avenir Made in France aura à nous proposer. Un jeu graphiquement original, avec un univers fictif et un scénario abouti, le tout fait avec beaucoup d’ingéniosité.
Notons qu’Another World fait partie des 14 premiers titres à entrer dans le Museum Of Modern Art de New-York, aux côtés de Tetris et Pacman.
Another World (BO) :
En 1992, Frédérick Raynal travaille en petite équipe sur Alone in the Dark. C’est un jeu d’horreur lui-même inspiré par l’univers horrifique des nouvelles de Lovecraft mais aussi des films de Dario Argento et Georges Romero.






Le jeu est acclamé par la presse pour sa réalisation technique et son ambiance horrifiante. Il remporte plusieurs prix en France et au Japon, dont le Tilt d’Or.
Alone in The Dark, considéré comme un des premiers jeux d’horreur, influencera à son tour une production japonaise bien connue : Resident Evil.








La même année, celle de mes quatre ans, je ne peux pas encore jouer malgré mes quelques dents. D’autres, plus âgés, peuvent admirer le magnifique travail sur l’adaptation du film Dune de David Lynch en jeu vidéo par Philippe Ulrich. Deux noms d’artistes qui sont à retenir pour leur univers aussi fort que personnel.







Auteur, producteur, compositeur et créateur de jeux vidéo, Philippe Ulrich est un pionnier de cette époque. Pour Dune, il envisage la bande-son comme un véritable « album musical ». Il incite alors Stéphane Picq à composer avec une approche artistique, en harmonie avec sa vision de l’interface multimédia de Dune.
Dune (Bagdad) :
Petit saut dans le temps, avançons en 1995. Michel Ancel est embauché depuis 3 ans comme graphiste chez Ubisoft. Il crée un fameux petit personnage qui n’a pas de bras et pas de chocolat, qui tourne et vole avec ses cheveux, puis court et saute sans jambe. Rayman est une création bien hallucinée made in France. Graphisme haut en couleur, originalité et difficulté, on retrouve les ingrédients de la French Touch et d’un succès international.



Rayman aura ainsi le droit à deux suites et la rencontre saugrenue avec des lapins beaucoup trop crétins pour rester discrets. C’est un nouveau carton !
En 1998, on retiendra les aventures de l’oncle Ernest inventé par Éric Viennot, fondateur de Lexis Numérique. Très original, le jeu sera un succès avec une série de cinq épisodes entre 1998 et 2004.




Dernier nom à retenir de ce 20ème siècle, David Cage. Il fonde Quantic Dream en 1997. Le studio se spécialise dans la création d’expériences originales fondées sur l’émotion interactive et des ponts entre les médias comme la musique et le cinéma.






En 1999 Omikron : The Nomad Soul sort sur Dreamcast Ce jeu restera gravé dans la mémoire de nombreuses personnes. Notons la collaboration avec l’artiste David Bowie.
Le début d’une longue relation entre Quantic Dream et le 7ème art.
Nomad soul (David Bowie new angels of promise) :
Évidemment, ce ne sont pas les seuls jeux faits en France avant les années 2000’s. Ni même les seuls auteurs. Mais vous avez maintenant quelques titres précurseurs d’une époque dorée riche en prouesses techniques et artistiques. Une page du jeu vidéo audacieuse et novatrice où des auteurs français ont marqué l’industrie à l’international.
A bientôt pour un article sur la French Touch et le 21ème siècle.
