Jeu vidéo et peinture : Silent Hill 2 et Francis Bacon

La série Silent Hill est une référence parmi les jeux de survie et d’horreur.
Saga créée en 1999 par Masashi Tsuboyama, Francis Bacon a été une source d’inspiration inépuisable pour les concepteurs.

Découvrez en images comment un peintre anglais du 20ème siècle a influencé un jeu vidéo incontournable !

Ce thème a fait l’objet d’un dossier dans IG mag n°13.

Bacon : «Je crois que l’homme aujourd’hui comprend qu’il est un accident, que son existence est futile, et qu’il doit jouer un jeu insensé. »

Jaquette de Silent Hill 2 et autoportrait de Francis Bacon :

 « J’essaie de me donner de l’excitation et aussi de faire une oeuvre aussi résistante que possible parce que j’aime les choses puissantes et résistantes. Je n’aime pas l’art qui soit très fragile. »

Une rumeur dit que Bacon peignait avec du sang, parfois même le sien. Une chose est sûre, les murs de son atelier étaient recouverts de peinture à l’huile. Celle-ci craquelait, s’effritait, se disloquait dans des effets de matière les plus improbables. La première scène du jeu vous plonge dans un endroit aussi glauque que familier, des toilettes…

L’introduction de Silent Hill 2 rappelle le tableau Portrait de George Dyer dans un miroir, peint en 1968. Bacon multiplie l’image du personnage afin d’en interroger sa personnalité.
James est aussi un personnage énigmatique, fragilisé et tourmenté par son passé.

Dans Silent Hill 2, nous rencontrons de nombreux personnages à la psychologie troublante. Parmi eux, Maria, belle femme séductrice, « double érotique » de Marie .
Ce personnage et sa mise en scène évoquent la représentation d’une amie de Bacon, dans Trois études du portrait de Muriel Belcher, peint en 1966.
Que ce soit Maria ou Muriel, la forme qui apparaît exprime le caractère provocateur et non-conformiste.

 « Quand vous peignez quelqu’un, vous savez que vous essayez évidemment de vous rapprocher non seulement de son apparence mais aussi de la manière dont il vous a touché. »

Bacon cherchait l’image par accident, jouant sur une réussite immédiate qui ne laissait pas de place à l’erreur. Son acte de création était violent, la toile se recouvrant par à-coups posés brutalement.

Si le résultat ne lui plaisait pas, il déchirait son tableau. Il a ainsi détruit une grande partie de son oeuvre.

Bacon : « Il faut que cela devienne une forme qui ait plus de force que du sang sur un mur. Alors les implications sont plus larges. Cela fait écho dans votre psyché et trouble le cycle vital individuel. »

Devant le triptyque Trois études de figures au pied d’une crucifixion peint en 1944, l’esprit se bloque. Certaines personnes ne peuvent pas regarder ce tableau en face…
L’iconographie de Bacon mêle créatures de cauchemar, formes anthropomorphes, détails saugrenus… Les éléments humains et bestiaux sont mêlés dans une même déformation !
Ces figures indescriptibles se retrouvent dans Silent Hill 2. Les créatures sont composées des mêmes amas de chair. Ce sont des êtres hybrides déformés par la douleur.

Une des plus célèbres peinture de Bacon représente un bourreau. Un homme en noir avec des attributs du plus singulier au plus banal, tel ce parapluie qui laisse son visage dans l’ombre. Sa bouche est grimaçante, entre le rire sardonique et l’effort.
Cette description ressemble à celle qu’on pourrait faire de Pyramid Head, terrible ennemi du jeu et alter ego maléfique de James.
Il ressemble à un boucher qui porte un tablier maculé de sang et une hache. Détail perturbant, il a une pyramide à la place de la tête (le parapluie est démodé !).

Chez Bacon, la vision de la chair exposée et meurtrie montre une cruauté banalisée par la culture. Pour le peintre, la civilisation y a concentré l’expression de la douleur.
Celle-ci est manifestée par la mutilation de la chair, très bien reproduite par le bestiaire de Silent Hill 2.

Le tableau Deux figures exacerbe l’obsession érotique de satisfaire le désir du voyeur. Les visages sont brisés et figés dans une expression tragique.
Ce même voyeurisme se retrouve dans une des scènes les plus marquantes (certains diront choquantes) de Pyramid Head.

 « J’ai toujours été marqué par l’horreur, mais je n’y pense jamais. Le plaisir est une chose si multiple… Et l’horreur aussi. »

Ces deux oeuvres (les tableaux de Francis Bacon et la série Silent Hill) sont donc la représentation artistique d’une folie à la fois dérangeante et familière.
Ce principe est plus connu sous le nom d’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche en allemand), un concept freudien que l’on retrouve dans de nombreuses créations d’horreur.

Bacon : « La réalité émeut, fascine, effraie, émerveille ou excite, mais elle ne séduit pas. »

La team Silent Hill a inventé un jeu terrifiant qui fait écho à « la poétique de l’horreur » de Francis Bacon, à la force et à la violence morbide de son oeuvre.

Galerie d’images de Silent Hill 2 :

Masahiro Ito, directeur artistique chargé de la conception des monstres, et Takayoshi Sato, designer des personnages, se sont directement inspirés de ce grand peintre.

Galerie d’images de Masahiro Ito :

Galerie d’images de Takayoshi Sato :

Et enfin, un making-of à ne pas rater :

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