Interview sur Under The Waves : Un hommage à la vie !

Under The Waves est un jeu développé par Parallel Studio (White NightEqqoDark Days) et édité par Quantic Dream (Detroit Become HumanBeyond Two SoulsHeavy Rain, etc). Ces deux studios parisiens ont combiné leurs forces et leur savoir-faire pour un jeu d’aventure introspectif dans les profondeurs de l’océan. Découvrez dans cette interview du directeur créatif (Ronan Coiffec), les tenants et aboutissants d’un projet aussi personnel qu’ambitieux. 

L’essentiel des questions a été rédigé par les élèves de CM2 de l’école Alphonse Daudet. Quelques questions ont été ajoutées afin d’interviewer également l’ingénieur son (Nicolas Bredin) et sa fille (Chloé) qui se cache derrière Pearl. 

Pour commencer, le teaser : 

Ça veut dire quoi Under The Waves ? Pourquoi ce nom ? 

Under The Waves, ça veut dire « sous les vagues » en Français. C’est un titre qui a deux sens. Le premier, c’est parce que le jeu se passe dans l’océan, on incarne un plongeur. Et le second, c’est parce qu’en anglais « Under The Waves » ça veut aussi dire « être sous le poids de la vague », donc avoir des problèmes à régler. Un peu comme si on disait « au bout du rouleau » en Français.

Ça fait quoi de faire un jeu vidéo ?

C’est très cool de voir les gens réagir sur internet au projet qu’on a réalisé. On les voit rire, s’amuser, et même pleurer parfois car ils sont touchés par l’histoire. Et se dire qu’on a fait plaisir et raconté une belle histoire pour des milliers de personnes, c’est une très belle sensation.

Qui a demandé pour faire ce projet ? 

C’est une idée que j’avais eu à l’école. Personne n’a vraiment demandé de faire ce projet, on voulait surtout raconter une belle histoire. On a proposé l’histoire à un éditeur, (celui qui finance le projet, qui nous paie pour le faire) et ça lui a plu.

Combien de temps avez-vous consacré pour faire le jeu ?

Nous avons passé 3 ans à faire le jeu, mais en réalité c’est une idée de jeu vidéo que j’avais eu à l’école il y a longtemps. Donc j’y réfléchissais depuis longtemps !

Combien étiez-vous pour le faire ? 

Au début nous étions 5, puis comme le projet devenait plus important, nous sommes passés à presque 20 !

Quels sont vos métiers ? 

Dans l’équipe, on a un scénariste, un compositeur de musique, un ingénieur du son pour créer les bruitages, des animateurs pour créer les animations des personnages, des graphistes pour réaliser les décors par exemple. On a aussi des testeurs, des gens qui jouent au jeu toute la journée pour trouver les bugs.

Comment avez-vous recruté ? 

Nous avons passé des annonces sur internet, facebook, etc. Et notamment sur un site qui s’appelle AFJV.com, qui permet de trouver des stagiaires par exemple.

Qui a le rôle principal ?

C’est moi-même, on appelle ça un « Game director », c’est un peu comme « réalisateur » dans le cinéma.

A quel âge avez-vous commencé ? 

J’ai toujours aimé jouer aux jeux vidéo. J’ai commencé à développer mes propres idées au collège je pense, et j’ai fait mes premiers jeux vidéo en 3e.

Pourquoi avez-vous été à l’internat ? 

Tout simplement car l’école où je voulais aller, pour apprendre à dessiner, était très loin de chez mes parents. J’ai dû aller à l’internat la semaine et je rentrais le week-end.

Pourquoi avez-vous créé ce jeu ? 

J’avais simplement envie de raconter une histoire, et de parler de la pollution des océans. J’ai grandi en Bretagne. Quand j’étais petit, j’ai vu un pétrolier s’échouer sur les plages de la région. Donc ça m’a beaucoup marqué de voir le pétrole sur les rochers et toute cette pollution. J’ai voulu créer un jeu qui explique aux joueurs qu’il faut protéger les océans à tout prix.

De quoi vous êtes-vous inspiré ? 

Je me suis beaucoup inspiré des documentaires sur les océans, comme ceux du Commandant Cousteau par exemple !

Quels sont les personnages ? Comment s’appellent-t-ils ? 

Il y a Stan, un plongeur que l’on incarne, sa petite fille qui s’appelle Pearl (Perle en Français). Sa femme qui s’appelle Emma, et Tim, notre chef qui nous guide par radio durant toute l’aventure.

Comment avez-vous fait pour mettre en place les personnages ? 

C’était un travail d’imagination. On voulait raconter une histoire et après il fallait trouver les personnages. Au début, on leur trouve un métier, un âge, un passé, puis on les dessine. Et enfin on imagine leur caractère, s’ils aiment faire des blagues, s’ils sont plutôt tristes ou sérieux, etc. Petit à petit, ils prennent vie et on arrive bien à les imaginer.

Combien de doubleurs y avait-il ? 

Il y avait 4 acteurs pour les différents personnages du jeu, mais on a enregistré le jeu dans plusieurs langues, donc plus de 20 !

Pourquoi est-ce en anglais et pas en français ? 

Le jeu est aussi en français, les voix et les textes du jeu !

Pourquoi l’acteur porte-t-il des poids ? 

On a fait ça durant le tournage de ces mouvements pour simuler le fait d’être sous l’eau. Pour donner plus de réalisme à ses mouvements de scaphandrier.

Pourquoi avez-vous fait le jeu sous l’eau ?

Nous avions envie de parler des océans, de leur fragilité et de la pollution. Donc placer le joueur sous l’eau nous permettait de lui montrer directement les dégâts de la pollution plastique.

Comment peut-il marcher sous l’eau ? 

Il marche grâce à des poids. D’ailleurs dans la vraie vie, c’est pareil, les plongeurs sont lestés avec des poids pour pouvoir marcher au fond de l’eau pour travailler. Par exemple, c’est eux qui s’occupent des câbles sous-marins pour qu’il y ait internet entre les différents pays.

Comment peut-il dormir dans son sous-marin ? 

Dans les sous-marins il y a toujours des couchettes, comme dans les sous-marins de guerre par exemple. C’est un peu comme une petite maison, il y a de quoi faire la cuisine, dormir et même parfois la télévision !

Quand vous faîtes ce jeu, allez-vous réellement dans l’eau ? 

On a été vraiment dans l’eau pour capturer des bruits par exemple. Et j’ai moi-même essayé un peu de plongée sous-marine, mais ça ne s’est pas très très bien passé…

Pourquoi avez-vous créé ce jeu avec la musique ? 

J’ai un ami qui est compositeur de musique. On voulait travailler ensemble, alors je lui ai expliqué l’histoire du jeu et il a créé toutes les musiques par rapport à l’histoire. Par exemple, il a créé une musique pour mon Chat, qui malheureusement est mort l’année dernière pendant qu’on finissait le jeu. Il a créé une jolie musique pour lui rendre hommage. Il a aussi créé une musique pour sa fille « Chloé » que vous pouvez entendre ici :

Quel(s) instrument(s) de musique avez-vous le plus utilisé ? 

Le piano et la guitare !

C’est quelle sorte de musique ? 

Il y a deux styles de musique dans le jeu. Des musiques calmes pour accompagner l’exploration du joueur, on appelle ça des musiques d’ambiance. Puis des musiques « rock » pour créer un contraste et accompagner des moments importants de l’histoire. 

Par exemple, une musique d’ambiance : 

Et une musique rock : 

Pourquoi le jeu est-il si réaliste ? 

Le jeu est assez réaliste mais pas totalement. Les fonds marins, la lumière et les ambiances sont réalistes. Mais si vous regardez bien, vous verrez que les animaux et le personnage principal sont stylisés. On voulait créer un attachement à tout ce qui est « vivant » dans le jeu, donc les poissons sont un peu cartoons.

Avez-vous mis beaucoup de poissons ou peu ? 

Oui, des dizaines ! On a plus de 30 races de poissons, des baleines, des orques, des tortues, des requins, etc. Dans le jeu on peut en croiser des centaines !

Il y a des poissons et des baleines, est-ce que tu les sauves ? 

Oui, le but du jeu est de prendre conscience qu’il faut sauver les poissons et arrêter de polluer. A un moment dans le jeu on rencontre une pieuvre qui est coincée dans un tunnel, il faut la débloquer. On sauve aussi une baleine recouverte de pétrole.

A quoi servent les boutons dans la manipulation ? 

Il faut jouer avec une manette. On peut nager, marcher, conduire un petit sous-marin. On peut aussi crafter des outils pour le héros et parfois utiliser un laser pour détruire la pollution. On appelle ça le « gameplay ».

Comment gagnez-vous dans ce jeu ? 

Il faut suivre l’histoire, et arriver à aller jusqu’au bout de l’aventure.
Il y a aussi plein de collectibles, de trésors à trouver. C’est assez difficile de finir le jeu à 100% car il y a beaucoup de choses à trouver !

Est-ce que c’est pour arrêter la pollution dans les fonds marins ? 

Oui exactement. On a même travailler avec la Surf Rider Fondation, qui nous a aidé à mieux parler du sujet de la pollution marine. Par exemple, la pollution liée aux bouteilles en plastique qui se retrouvent dans l’océan. Il faut éviter au maximum les bouteilles en plastique dans notre vie !

Qu’avez-vous pensé de votre jeu : excellent, très bien, nul ou je n’aime pas ?

Nous on aime beaucoup notre jeu ! Nous sommes fiers d’avoir pu parler de sujets importants comme la pollution des océans dans un jeu vidéo ! On a reçu aussi de jolis messages de la part de joueurs qui ont beaucoup aimé le jeu. Ils nous ont écrit pour nous dire qu’ils avaient été touchés par l’histoire. Les gens ont beaucoup aimé la musique aussi.

Sur quelles consoles est sorti le jeu ? 

Sur PS5, PS4, Xbox One et Xbox série X. Il est aussi sur PC (Steam) !

Après beaucoup de jours et de mois, tu n’en as pas marre de travailler ? 

Oh que si ! J’ai pu avoir un peu de vacances. Mais, malheureusement, on commence déjà un autre projet de jeu vidéo !

Kinet, Saucisse et Roméo à Tahiti

J’ai voulu parler de ces thématiques car j’ai été moi-même, comme beaucoup de monde, confronté à la perte d’un être cher.
En vivant ce deuil, je me suis rendu compte qu’une façon d’affronter ces moments difficiles était de comprendre la nature qui nous entoure, comprendre qu’on fait parti d’un tout, que ce cycle à un sens : on nait, on vit, on meurt, la nature fonctionne comme ça. Comprendre ça, c’est comprendre que la nature autour de nous se compose de nos histoires, de notre passé et de notre futur. Prendre soin de l’environnement, c’est quelque part prendre soin des êtres qui nous sont chers. 

Le Chat

Under The Waves raconte l’histoire de Stan, un ouvrier plongeur qui décide d’accepter une mission en isolement sous la mer pour fuir sa réalité à la surface. A travers ses missions de maintenance et son exploration de l’océan, Stan va devoir affronter ses angoisses et questionnements sur lui même et la perte d’un être cher, et sera confronté à l’impacte de l’homme sur les fonds marins. A travers son aventure, Stan va comprendre peu à peu sa place dans le monde, et l’importance de protéger notre environnement.

Il y en a un peu partout en effet ! A commencer par mon propre chat, qui malheureusement nous a quitté pendant la production du jeu. Vous pouvez voir sa photo collée sur le frigo du module de vie de Stan. Notre compositeur Nicolas Bredin à même composé une musique en hommage à « Le Chat » (son vrai nom), que vous pouvez même jouer à la guitare.
La boite à musique, que l’on peut trouver dans une épave, est un autre exemple. C’est une musique toute spéciale, composée pour rendre hommage à une petite fille d’une très chère amie, décédée à la naissance.
Si vous regardez la télévision, dans le module de vie de Stan, vous pourrez voir un reportage sur les essais nucléaires en Polynésie Française, et vous pourrez même débloquer une poupée Tahitienne si vous cherchez bien, c’est un clin d’oeil à tout un pan de ma vie ou j’ai grandi là bas..

Je suis fier du message qu’on délivre dans ce jeu. A travers nos histoires personnelles, nous avons essayé d’apporter un peu de réconfort aux personnes qui traversent ces épreuves difficiles. Nous recevons des messages touchants de la part de joueurs qui ont été impactés par le jeu. 
Je suis également fier d’avoir pu travailler en collaboration avec Surfrider pour détailler factuellement l’impacte de l’homme sur l’océan. C’est une goutte dans l’océan mais c’est important d’imaginer le jeu vidéo aussi comme un moyen de faire comprendre des choses importantes aux joueurs.

On a toujours des regrets sur un projet! Ici je dirais qu’on aurait pu avoir quelques mois supplémentaires pour bien corriger et tester le jeu à sa sortie. Et on aurait pu mieux organiser la production pour mieux travailler certains aspects, comme les animations faciales par exemple. Mais il faut rappeler qu’on était très peu dans l’équipe, pour un projet très ambitieux, nous avons donc fait au mieux avec nos contraintes!

Une partie de l’équipe de Parallel Studio

Qu’il est important de se poser la question de notre impacte, chaque jour. Même en jouant aux jeux vidéo. Non seulement pour la nature elle-même, mais aussi pour nos enfants ou futurs enfants.

Entre deux projets, nous avons adapté notre premier jeu Dark Days, réalisé en 2016 pour la VR, pour la Nintendo Switch et Steam. Un jeu d’horreur narratif, une commande Oculus à l’époque, qui nous a permis de nous former en tant que studio. Mais nous travaillons également sur d’autres projets en parallèle, qu’on espère pouvoir dévoiler bientôt !

La guitare et le piano sont mes deux instruments de prédilection. J’ai commencé jeune la guitare et la pratique depuis très longtemps, 35 ans ! Le piano je l’ai appris dans le cadre de la composition orchestrale et de mes études universitaires de musicologie, ça date aussi… J’ai donc un rapport tout particulier avec ces deux instruments ! La guitare est un instrument aux infinies possibilités de sonorités et avec le piano, ces deux instruments me permettent de créer des mélodies et harmonies simples, épurées autour desquelles je construis un thème. Pour un jeu narratif comme Under the Waves qu’on pourrait qualifier d' »ambiance », partir de ces deux instruments me semblait évident, naturel.

Pour les sons de l’océan, les vagues, je suis parti d’enregistrements que j’ai fait au Danemark notamment à Lonstrup et à Grenen où la mer Baltique et la mer du Nord se croisent et créent des sortes de mouvements inversés. J’avais fait énormément d’enregistrements pendant mon voyage là-bas. J’ai donc mixé ces prises avec également des sons issus de banques de sons pour les orages, les animaux marins. L’ambiance sous l’eau est créée principalement à partir de l’ambiance de la surface. On détecte en code la position du personnage que l’on contrôle, s’il est à la surface de l’eau ou sous l’eau et la profondeur à laquelle il descend. Plus le joueur descend et plus des effets de filtres agissent sur l’ambiance de surface pour la rendre plus étouffée puis, au fur et à mesure, dynamiquement, des ambiances spécifiques se rajoutent pour créer un ensemble cohérent. par rapport à l’univers que l’on propose.

Question difficile car les trois ont une forte valeur symbolique ! Cat’s heaven est un hommage au chat de Ronan. Whale’s Song est le thème que j’ai imaginé à partir de ta petite nouvelle que l’on retrouve dans le jeu, quand Stan lit une histoire à sa fille. Chloé est le morceau dédié à ma fille, version acoustique du même titre de mon projet post rock Hanging Fields. Si je dois vraiment choisir, je dirais alors forcément Chloé.

Chloé ma fille a fait la motion capture de Pearl, elle a servi de modèle aussi pour le personnage du jeu… Donc forcément énorme clin d’œil ici ! Ensuite Under the Waves parle du deuil, de l’acceptation et du renouveau. Dans le jeu on retrouve quatre titres de Hanging Fields faisant partie d’un concept album, comme un exutoire, autour de la mort de mon père, le renouveau avec ma fille… de grosses similitudes donc avec l’histoire de fond d’Under the Waves ! Il y a Lumière, le doudou de ma fille quand elle était toute petite, Stan porte un bonnet ???? ça c’est surement un clin d’œil inconscient ! Y en a plein, plein de la vie de Ronan également.

Bonjour Chloé ! Tu as joué le rôle de Pearl dans Under The Waves. Bravo pour ton travail ! 

J’ai fait de la Motion capture.

Je trouve ça sympa et rigolo d’avoir des caméras partout autour de soi. Parce qu’on n’a pas l’habitude d’avoir des caméras autour de soi et d’avoir un costume et accrochés dessus des capteurs.  

Je suis fière que ça soit mon père qui fait la musique dans ce jeu et que je suis aussi dedans.

2020 . Parce que  mon père a fait la  musique et que je trouve ce jeu sympa et triste. Mais bon je le trouve bien quand même.

Dessin de Chloé

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